Extrait de la Vie de l'Auto du 18 octobre 1984
LA FÊTE DE L'AUTOMOBILE A BOURG-EN-BRESSE
1984 fête 100 ans d'automobile française : malgré les polémiques, c'est
un événement. Les 50 ans de la Traction-Avant en sont un autre. Et, plus
modestement, 1984 c'est aussi 10 ans d'existence du Tacot Club de l'Ain, né en
1974 de la rencontre d'une poignée de passionnés de la voiture ancienne de
Bourg-"Bresse, du département de l'Ain et de la région.
Comment ne pas célébrer ce triple anniversaire, en réunissant pour une
journée, dans un cadre agréable, le plus grand nombre de nos vieilles amies ?
Et pourquoi ne pas en faire une véritable fête, dotée d'animations axées
sur le thème de l'automobile ?
Pari pris, pari tenu. En moins de quatre mois, la grande équipe du Tacot
Club, qui travaille toujours sous le signe de l'amitié, mit sur pied
l'organisation de cette journée, fixée au dimanche 27 mai.
Le parc des expositions de Bourg-en-Bresse, situé à deux pas du magnifique
joyau d'art gothique flamboyant qu'est l'église de Brou, nous offrait son
cadre vaste et fonctionnel, avec deux de ses halls d'exposition, et son immense
environnement extérieur.
Il fallait bien tout cet espace pour accueillir les 160 véhicules et les
4.000 visiteurs qui se pressèrent dans l'enceinte du parc, en cette journée
dominicale, finalement assez honnête sur le plan de la météo.
Baptisée « Fête de l'Automobile », cette manifestation a constitué un
vaste panorama de la construction, presque des origines à nos jours, les
voitures présentées étant, dans leur immense majorité et conformément à
la tradition et à la règle que s'est imposé le Tacot Club de l'Ain depuis sa
fondation, dans un état de restauration aussi proche que possible de
l'origine.
Comment mieux rendre compte de cette journée qu'en interviewant quelques
unes des participantes à quatre roues de ce Festival ?
- LA DOYENNE. J'ai 85 ans, je suis née en 1899 à Montrouge dans le
modeste atelier d'un certain M. Lebrun. Je suis équipée d'un moteur
Daimler, et j'ai une caisse du type « dog-cart ». Je valais 7.500 F (des
francs-or, bien sûr). Mon allumage est à brûleurs et j'étais vendue
pour monter les côtes « à 10 ou 11 kilomètres à l'heure ». Je suis à
la retraite depuis un certain temps déjà, mais je suis restée dans la
même famille depuis 1899...
Lebrun 1899
- LA VICE-DOYENNE. Je suis une « jeunette » par rapport à mon
amie Lebrun. Je suis née en effet en 1906 dans la grande famille De
Dion-Bouton, à Puteaux. Mon petit moteur de six chevaux a un seul
cylindre. J'ai assuré de longs et loyaux services et je roulais encore
dans les années trente, conduite par un fidèle voyageur-représentant
qui' visitait les moulins de la région, pour le compte de mon
propriétaire, minotier de son état...
De Dion-Bouton 1906
- LES DAMES DES ANNÉES VINGT ET TRENTE. Nous sommes venues
en force, par nos propres moyens, car nous roulons toutes, et fort bien.
Nous sommes les dames Citroën (B 2, C 3, B 12, B 14, C 4, C 6), Renault
(MT, NN, KZ, Monaquatre, Primaquatre, Viva Grand Sport) ou Peugeot
(Quadrilette, 201, 12 Six, 301, 302, 402), les plus nombreuses. Mais nous
accueillons à nos côtés de très belles Hotchkiss, Rolland-Pilain,
Delahaye, Talbot, Amilcar, Unic, Cottin-Desgouttes, Rosengart et bien
d'autres qui entourent la plus petite d'entre elles : une voiture d'enfant
Bugatti, réplique du fameux modèle 35.
Une rare Cottin-Desgouttes « Sans Secousses » carrossée par un artisan
carrossier local.
- LE CHOEUR DES TRACTIONS AVANT CITROËN. Combien sommes-nous ? Vingt '.? Vingt-cinq ? En tout cas, nous sommes en
nombre, car c'est un peu notre fête de famille, aujourd'hui et nous, les 7,
les 11 légères, les 11 familiales, les 15 Six, nous ne pouvions pas manquer
de venir souffler les cinquante bougies de la famille. En toute modestie nous
reconnaissons que la foule nous a témoigné avec chaleur sa curiosité et sa
sympathie.
- LES BELLES ÉTRANGÈRES. Nous aussi, nous avons eu des admirateurs. Depuis l'immense Lincoln
Continental, Mark IV (« J'ai tourné aux U.S.A. dans le feuilleton Dallas...
»), jusqu'à l'imposante Cadillac 1955 (« Maligne et mes chromes
ressortent davantage aux côtés de la minuscule Isetta, auprès de qui on m'a
curieusement placée »), sans oublier les Chevrolet, les Plymouth et les Buick
des belles années, qui font fort bonne figure aux côtés des Mercedes, NSU ou
autres Fiat.
- LES MOINS DE QUARANTE ANS. Comme nos vieilles amies,
nous suscitons la nostalgie des visiteurs, qui ont vite reconnu les
voitures de leur adolescence ou de leur jeunesse ; les Simca Six, les 4 cv,
les Aronde, les 203, les Frégate, les Dyna-Panhard, toujours vaillantes et
fiables ou, plus près de nous, les déjà célèbres DS ou SM.
- LES UTILITAIRES. Nous ne travaillons plus depuis bien des années,
mais nous roulons encore le dimanche, car nous sommes très demandées dans
les expositions. Nous avez-vous reconnus ? Le vieux Berliet à bandages des
années 1920... Le camion-pompiers C 6 qui a fait la joie de la
dynamique fanfare des « Gabinets » animant la manifestation, le fidèle
GMC de la Libération, le rutilant fourgon incendie Laffly, d'autres
encore...
- LES SPORTIVES. Pendant toute la journée, nous avons été au repos, alors que nous brûlions
de libérer lacavalerie de nos innombrables chevaux-vapeur. Mais nous
nous sommes consolées en recueillant les regards envieux des jeunes et des
moins jeunes : aux côtés des puissantes et bruyantes « Formule 2 » de
l'Ecurie du Revermont, une très belle Amilcar CGSS, une Salmson VAL, des plus
récentes, mais non moins séduisantes Porsche, DB, Lotus, Triumph, Jaguar...
Sans oublier une impressionnante armada de berlinettes Alpine.
- LES FANTAISISTES. On nous avait confié l'animation de la journée et le public, par ses
applaudissements, nous a montré que les responsables du Tacot Club de l'Ain
n'avaient pas eu tort en nous permettant, à nous, l'inénarrable
voiture-bascule d'Albert Barbier et l'irrésistible Dyna Panhard des clowns de
Meximieux, de faire la joie des petits et des grands, sur les flonfons pleins
de tonus de la sympathique fanfare des étudiants lyonnais.
- LES LAUREATS. Nous étions l'objet du tiercé de la journée : le public avait à dire
lesquelles des160 voitures l'avaient le plus séduit. Et nous voilà
classées pour ce brillant tiercé.
- La Cadillac 1955 de M. Lemaire, splendide exemple des fameuses «
fifties » américaines.
- La M.T. Renault 1924, amoureusement restaurée par notre ami
Piquand.
- La belle Talbot Baby 1938 sur laquelle notre ami Melin avait travaillé
jusqu'à l'aube . trois belles voitures, trois récompenses bien
méritées.
- LES NOUVELLES NÉES. Nos concessionnaires sont fiers de nous avoir
présentées, nous les plus récentes productions de l'industrie française
et étrangère. Nous complétons le panorama de l'automobile, des origines
à nos jours. Et, si nous avons pu faire quelques complexes face à nos
amies du temps jadis, nous avons au moins sur elles cet avantage : nous,
nous sommes à vendre
Quant aux organisateurs, fourbus mais souriants, ils ont bien voulu nous
dire quelques mots :
- Le bilan de cette fête de l'automobile est très positif. Sans doute,
tout n'était-il pas parfait. Certaines choses sont à revoir en fonction de
l'expérience de cette journée et nous en avons conscience. C'était, pour
nous, une « première » préparée dans un minimum de temps, mais quia
montré le dévouement et l'esprit d'équipe d'un club comme il en existe tant
en France, et l'intérêt inlassable apporté par le public aux manifestations
de voitures anciennes.
- Alors, à quand la prochaine ?
- Pour notre 20, anniversaire, peut-être !
Rolland Pilain 12 CV 1927. Au second plan, cabriolet Viva Grand Sport
Renault 1937.